Parfois, la question nous est posée : « Soliguide, c’est en OpenData ? ». La réponse, pour l’instant en tout cas, est non. Et on a une bonne raison pour ça.
L’OpenData fait partie des buzzword du moment. Pourtant, les personnes qui nous posent la question elles-mêmes souvent ne savent pas exactement de quoi il en retourne. Reprenons la définition :
« Les données ouvertes ou open data sont des données numériques dont l’accès et l’usage sont laissés libres aux usagers. Elles peuvent être d’origine publique ou privée, produites notamment par une collectivité, un service public, un collectif citoyen ou une entreprise. Elles sont diffusées de manière structurée selon une méthode et une licence ouverte garantissant leur libre accès et leur réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière.
L’ouverture des données est à la fois un mouvement, une philosophie d’accès à l’information, une politique publique et une pratique de publication de données librement accessibles et exploitables.» (cf Wikipedia)
Dans sa philosophie, l’OpenData est un mouvement incroyable, porteur de beaucoup de sens pour nous. D’ailleurs, dans sa toute première version, Soliguide était en OpenData : les données du site étaient téléchargeables sous format .CSV directement.
Mais si rappelez-vous, Soliguide n’a pas toujours eu la belle interface d’aujourd’hui !
La qualité de la donnée avant tout
Mais il y a un mais. L’OpenData, par sa nature même, suppose de n’avoir aucun contrôle sur la réutilisation de la donnée. N’importe qui pourrait donc, en quelques instants, télécharger tout ou une partie de la base de données de Soliguide pour la mettre en ligne sur un autre service. Jusque-là, tout va bien ! L’idée de faire foisonner les moyens d’accès à l’information est au contraire très bonne : qu’importe que les personnes y accèdent par Soliguide ou ailleurs, tout ce qui est important est d’avoir la bonne information. Et c’est là que ça coince.
Une information n’a de valeur que si elle est à jour. Dans l’équipe Soliguide, c’est la quasi-totalité des ressources qui sont mis au service de la qualité de cette information. Le travail est titanesque : derrière chaque département cartographié sur Soliguide, c’est une personne qui travaille d’arrache-pied tous les jours pour créer la base de données, la maintenir et la peaufiner.
Sur ce type de projet de répertoire de données, on croit à tort que les personnes vont répertorier d’elles-mêmes et mettre à jour des informations. Certaines structures le font, et nous les remercions, mais c’est très loin d’être la norme. Il n’y a pas de recette magique qui permettrait à toutes les données d’être mises à jour sans effort et sans coût, seulement beaucoup de processus, d’essais-erreurs d’optimisation et d’automatisation…et d’huile de coude !
L’équipe Soliguide travaille tous les jours pour maintenir la plateforme mise à jour !
Si demain, Soliguide était en OpenData, n’importe qui pourrait télécharger ces informations et les mettre en ligne. Et les abandonner à leur sort. Les exemples ne manquent pas : sur divers territoires ou sujets, des versions embryonnaires de Soliguide ont germé.
En 2016 par exemple, il y a eu Welcome Map, une carte interactive des lieux utiles aux personnes réfugiées à Paris. De nombreux articles de presse plus tard, le projet est laissé à l’abandon presque immédiatement. C’est bien le problème des projets concentrés sur la donnée : on croit avoir fini le travail une fois la base de donnée créée, alors que celui-ci vient tout juste de commencer.
Heureusement, il n’y a pas non plus eu une hécatombe de projets de ce type. Le problème, c’est qu’internet n’oublie rien, et ces données restent en ligne. Des personnes, souvent en situation déjà fragiles, risquent alors de tomber dessus, et d’utiliser les informations en ligne pour se retrouver au final devant une porte fermée : entre temps il y a eu des déménagements, changement de services, d’horaires … Le secteur de l’action sociale, en particulier, est sujet à des changements rapides. Après avoir dépensé du temps, un ticket de transport et une énergie incommensurable pour traverser toute une ville, se retrouver devant une porte fermée fait l’effet d’une claque. Et peut-être que cette personne, à force de découragements, ne tentera plus de trouver de l’aide.
Mettre les données de Soliguide en OpenData, c’est donc risquer d’inonder le web d’anciennes données copiées sur Soliguide et laissées à l’abandon, où elles pourraient avoir un impact désastreux.
Le partage de données, c’est l’avenir
Pourtant, la question nous travaille. La philosophie derrière l’OpenData est une évidence : la donnée devrait être libre, transparente et partageable.
Nous sommes persuadés que les données de Soliguide pourraient être utilisées de milliers de façons, auxquelles nous n’aurions même pas songé. Par exemple, début 2017, 4 étudiants du Wagon avaient imaginés SOS Food : un service qui proposait aux personnes SDF d’envoyer un SMS à un numéro dédié, et de recevoir automatiquement l’adresse de la distribution alimentaire la plus proche de lui. L’idée est tout simplement géniale ! Mais, comme à l’habitude, après quelques articles de presse le projet tombe dans l’oubli en quelques mois.
Et si des projets géniaux comme SOS Food avaient eu accès à une base de données complète, de qualité et maintenue à jour ? Celui-ci aurait peut-être pu être pleinement déployé, et être utile à des milliers de personnes pour trouver à manger.
Un compromis : le partage dynamique
Notre conclusion aujourd’hui, c’est de travailler sur une API permettant le partage de notre base de données de façon dynamique avec des partenaires conventionnés. La base de données de Soliguide reste donc protégée de la copie, nous permettons simplement l’accès à celle-ci afin de rendre l’information accessible au plus grand nombre, quel que soit le support.
La décision n’est pas finale, puisque nous avons bien l’intention de (re)tester le format de l’Open Data sur certains territoires ou sous certaines conditions.
L’Open data demain, c’est quoi ?
En résumé, est-ce que mettre en Open data les données de Soliguide permettrait aujourd’hui de mieux informer les personnes en grande précarité ? Non. Est-ce que ces informations pourraient être copiées, laissées à l’abandon et risquer de mal orienter ces personnes ? Oui. En bref : bof bof.
L’Open data est un concept qui commence au fond seulement à se déployer pleinement. Il y a beaucoup de signaux positifs, notamment l’obligation des collectivités locales depuis fin 2018 de partager leurs données en Open Data.
Comme son grand frère l’Open Source, qui s’est enrichit au fil des années de types de licences, les licences Open Data pourraient s’étoffer et se clarifier. Par exemple, en Open Source, il existe des licences permettant l’usage libre du code à condition que toute modification qui y soit apportée soit partagée. Et si, de la même façon, il était imaginé un Open Data permettant un usage libre à condition que les données soient toujours maintenues au moins aussi à jour que la base de données originelle ?
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